The Poetry Porch
 

Contre une maison sèche
by René Char

 
         S’il te faut repartir, prends appui contre une maison sèche. N’aie point souci de l’arbre grace auquel, de très loin, tu la reconnaîtras. Ses propres fruits le désaltéreront.
         Levé avant son sens, un mot nous éveille, nous prodique la clarté du jour, un mot qui na pas rêvé.

         Espace couleur de pomme. Espace, brûlant compotier.
        Aujourdhui est un fauve. Demain verra son bond.

         Met-toi à la place des dieux et regarde-toi. Une seul fois en naissant échangé, corps sarclé où l’usure échoue, tu es plus invisible qu’eux. Et tu te répètes moins.
         La terre a les mains, la lune nen a pas. La terre est meurtrière, la lune désolée.

         La liberté c’est ensuite le vide, un vide à déséspérement recenser. Après, chers emmurés, éminentissimes, c’est la forte odeur de votre dénouement. Comment vous surprendrait-elle?
         Faut-il laimer ce nu altérant, luster dune vérité du couer sec, au sang convulsif!

         Avenir déjà raturé! Monde plaintif!
         Quand le masque de lhomme sapplique au visage de la terre, elle a les yeux crevés.

         Somme-nous hors de nos gonds pour toujours? Repeints d’une beauté sauve?
        J’aurais pu prendre la nature comme partenaire et danser avec elle à tous les bals. Je laimais. Mais deux ne séspoussent pas aux vendanges.

         Mon amour préférait le fruit à son fantôme. J’unissais l’un à l’autre, insoumis et courbé.
        Trois cent soixante-cinq nuits san les jours, bien massives, cest ce que je souhaite aux haïsseurs de la nuit.

         Ils vont nous faire souffrir, mais nous les ferons soufrir. Il faudrait dire à l’or or qui roule: “Venge-toi.” Au temps qui désunit: “Serai-je avec qui j’aime? Ô, ne pas qu’entrevoir!”
         Sont venus des tranche-montagnes qui nont que ce que leurs yeux saisissent pour eux. Individus prompts à terroriser.

         N’émonde pas la flame, n’écourte pas la braise en son printemps. Les migrations, par les nuit froides, ne s’arrêteraient pas à ta vue.
         Nous éprouvons les insomnies du Niagara et cherchons des terres émues, des terres propres à émouvoir une nature à nouveau enragée.
         Le peintre de Lascaux, Giotto, Von Eyck, Uccello, Fouquet, Mantegna, Cranach, Carpaccio, Giorgione, Le Tintoret, Georges de La Tour, Poussin, Rembrandt, laines de mon nid rocheux.

         Nos orages nous son essentiels. Dans l’ordre des douleurs la societé n’est pas fatalement fautive, malgré ses étroites places, ses murs, leur écroulement et leur restauration alternés.
        On ne peut se mesurer avec l’image quautrui se fait de nous, lanalogie bientôt se perdrait.

         Nous passerons de la mort imaginée aux roseaux de la mort vécue nûment. La vie, par abrasion, se distrait à travers nous.
         La mort ne se trouve ni en deçi, ni au delà. Elle est à coté, industrieuse, infime.

         Je suis né et j’ai grandi parmi des contraires tangibles à tout moment, malgré leurs exactions spacieuses et les coups qu’ils se portaient. Je courus les gares.
        Coeur luisant néclaire pas que sa proper nuit. Il redresse le peu agile épi.

         Il en est qui laissent des poisons, d’autres des remèdes. Difficiles à déchiffrer. Il faut goûter.
         Le oui, le non immédiats, c’est salubre en dépit des corrections qui vont suivre.

         Au séjour supérieur, nul invité, nul partage: l’urne fondamentale. L’éclair trace le présent en balafre le jardin, poursuit, sans assaillir, son extension, ne cessera de paraître comme d’avoir été.
         Les favorisés de l’instant n’ont pas vécu comme nous avons osé vivre, sans crainte du voilement de notre imagination, par tendresses d’imagination.

         Nous ne sommes tués que par la vie. La mort est l’hôte. Elle déliver la maison de son enclos et la pousse à l’orée du bois.
        Soleil jouvenceau, je te vois mais là où tu n’es plus.

         Qui croit renouvelable l’énigme, la deviant. Escaladant librement l’érosion béante, tantôt lumineux, tantôt obscur, savoir sans fonder sera sa loi. Loi qu’il observera mais qui aura raison de lui; fondation dont il ne voudra pas mais qu’il mettra en oeuvre.
        On doit sans cesse en revenir à l’érosion. La douleur contre la perfection.*

         Tout ce que nous accomplirons d’essentiel à partir d’aujour’hui, nous l’accomlirons faute de mieux. Sans contentement ni désespoir. Pour seul soleil: le boeuf écorché de Rembrandt. Mais comment se résigner à la date et l’odeur sur le gîte affichées, nous qui, sur l’heure, sommes intelligents jusqu’aux conséquences?
         Une simplicité s’ébauche: le feu monte, la terre emprunte, la neige vole, la rixe éclate. Les dieux-dits nous délèguent un court temps leur loisir, puis nous prennent en haine de l’avoir accepté. Je vois un tigre. Il voit. Salut. Qui, là, parmi les menthes, est parvenu à naître dont toute chose, demain, se prévaudra?
 

*Ici le mur sollicité de la maison perdue de vue ne renvoie plus de mots clairvoyants.

***


Poems by René Char. See translations by Susanne Dubroff which first appeared as part of the internal chapbook, “Nothing Shipwrecks Itself” in MAR Mid-American Review, Spring 1999, Volume XIX, Number 2. Copyright © 1999 by Susanne Dubroff. Published by White Pine Press, Spring 2004, in the volume titled This Smoke That Carried Us, Selected Poems by René Char, translated by Susanne Dubroff.